La mort. Difficile d'ignorer son existence. D'un bout à l'autre de la planète, profondément enfuie dans l'histoire, elle se trouve partout. Elle trouve toujours les mêmes principes, mais l'image et le nom changent beaucoup. Parfois elle est un squelette, vêtu d'une longue toge noir avec capuche, souvent représenter avec sa grande faulx. Dépendamment la langue est elle parfois féminine ou masculine, représenter comme une entité ou plusieurs comme rôle de messager. Elle est la même peu importe le nom; la mort, la faucheuse, Grim reaper, Jeoseungsaja, Shinigami, la Calavera Catrina et plus encore.

La mort ou la faucheuse comme d'autres préfère l'appeler, est souvent vu comme un mauvais présage. Parfois c'est elle qui provoque la mort et prend les âmes, d'autres pensent plutôt qu'elle est comme une vieille amie, un guide qui vient séparer l'âme du corps et les guide de l'autre côté.

La vérité n'est pas bien loin des contes. Les faucheuses existent effectivement depuis des siècles, plusieurs en nombre elles airent pour répondre à l'appel des morts et libérer leur âme du corps décédé. Elles ont une apparence bien humaine, pouvant se fondre facilement dans la masse quand elles ne souhaitent pas être invisibles à l’œil des mortelles.

La faulx est bien vraie aussi, le seul détail étant que chaque faucheuse choisit son arme pour "trancher" le dernier fil qui sépare l'âme du corps du défunt. De la faulx, à l'épée en passant par la dague, toute faucheuse à sa préférence.

Les faucheuses peuvent respirer de l'air frais, boire, manger, même saigner si elles en viennent à être blessé. Elles ont tout pour paraître humain, mais rien qui ne peut les satisfaire. Elles connaissent la douleur, mais pas la mort. Elles en ont pas le droit. Car être une faucheuse n'est pas un choix, c'est une condamnation.

Pour le plus commun des mortels, quand ils perdent la vie et que la faucheuse brise ce lien entre corps et âmes, elles revivent les souvenirs qui ont formé la vie du défunt. Un processus souvent lourd pour la conscience, mais qui offre au mort une dernière vision de leur vie terminée. "Voir la vie défilée devant leurs yeux" L'expression n'est pas née de rien.

C'est une autre force, séparé des faucheuses qui s'occupe de faire renaître l'âme maintenant libérée de son ancienne mémoire à une nouvelle existence, mais là est la différence avec les faucheuses. Elles aussi étaient humaines il y a sûrement bien longtemps, mais elles ont fait l'improbable. Une action qui était trop grave pour être pardonné, un péché qui ne leur donnait pas le droit à se réincarner. Ces personnes sont donc aussi libérées de leurs mémoires humaines, mais renaissent en l'existence de faucheuse. Payant le prix de leurs actions pour l'éternité en libérant l'âme des autres.


C'est ainsi, que sans aucun souvenir de sa vie humaine que Won Nam Chul ouvrit les yeux en l'année 653, en Silla, l'un des Trois Royaumes de Corée. Sa vie de faucheuse venant tout juste de commencer dans un temps où ce n'est que la guerre qui existe entre les hommes. Encore tout nouveau et plus que perdu c'est aux côtés de d'autres faucheuses qu'il apprend la raison de sa nouvelle existence et son devoir en tant que faucheuse.

Dans un temps de guerre, de trahison et de souffrance partout, ce n'est rien de bien facile. C'est une réalité que Nam Chul doit rapidement accepter, la présence de quelques collègues l'aidant à garder toute sa tête pendant les premières années. C'est qu'au début, il croit que ça va durer un certain temps, que son fardeau sera libéré et il aura une autre chance à la vie, mais l'éternité est un prix lourd à payer une fois qu'il prend conscience du temps qui défile.

Il fait de son mieux pour rester fort par contre, il observe l'humanité, sourit face aux mortels qui tentent plus que tout de trouver le bonheur dans leur vie, il pleure avec les mourants qui lui demandent son aide alors qu'il ne peut totalement rien y faire. Il s'attache à ses sociétés, à ces personnes tout aussi uniques et emplis d'émotions. Une partie de lui souhaite pouvoir se rappeler comment il était quand il était lui aussi vivant, mais c'est un souhait qui n'a aucune chance de se réaliser.

Il se fatigue rapidement des guerres par contre et tente plutôt de voyager pour visiter de nouveaux horizons, de nouveaux décors qui pourraient apaiser sa conscience si lourde d'émotions humaines. Plusieurs faucheuses bien plus vieilles que lui, lui recommande de ne pas s'attacher, de créer une distance entre lui et les humains, mais il n'y arrive pas. Ils sont sa joie, sa raison d'exister maintenant, les libérer de leurs souvenirs aussi douloureux que ce soit pour lui, ça lui offre un réconfort qu'il ne peut expliquer.

Voyager ne résout pas tous ses problèmes par contre. Il apprend de nouvelles langues, de nouveaux visages et paysages, mais il ne peut éviter les atrocités humaines bien longtemps. Des guerres mondiales, aux guerres civiles, des maladies comme la peste, aux catastrophes naturelles jusqu'aux petits accidents quotidiens. Il est témoins de tout, c'est sa réalité de faucheuse pour l'éternité. Il se sent exténuer par les souvenirs de ceux qui ont vécu de la misère, de la tristesse pour d'autres qui ont à peine eux la chance de goûter à la vie. Non, être une faucheuse n'est rien d'évident, mais son fardeau devient un peu plus léger quand il fait connaissance de personnes comme lui. Pas d'autres faucheuses, mais des êtres surnaturels.

Sans même le savoir il avait fait leurs connaissances, ayant eu quelques accrochages avec des humains possédés par un démon avant que l'être ne décide de trouver mieux. L'âme laissée derrière était tourmentée, les souvenirs fragmentés en morceaux, imprécis. Nam Chul n'avait jamais pu expliquer ses phénomènes auparavant, mais maintenant que les êtres surnaturels sortaient de l'ombre, tout prenait son sens.

Si regarder les humains souffrir de leurs propres mains étaient triste à voir, les observer dans leurs efforts pour survivre face aux surnaturels était encore plus déchirant. Pour Nam Chul il avait un partie prise au début, l'humain était un être fragile et éphémère, comme une fleur dont il ne pouvait s'empêcher d'en observer sa beauté. Il était faible pour eux. En tant que faucheuse il n'était pas censé se mêler dans les guerres, mais quand il était question de démon, de vampires et autres, il ressentait le besoin d'agir, de se fondre à la masse et aider l'âme humaine encore si précieuse.

Malgré ses meilleurs efforts, les guerres firent tout de même rage, les être surnaturels prenant place au-dessus de la chaîne, fini les années à se terrer et cacher leur existence, ils étaient là pour rester. Nam Chul avait peine à se décider s'il était heureux du résultat ou non. Après tout il n'était pas humain, seuls les êtres comme lui pouvait comprendre le fardeau d'une vie sans fin, mais son attachement envers les humains et leur âme si fragile et précieuse étaient bien présent.


Par contre, le changement le poussa aussi à arrêter de se cacher. Pourquoi rester témoins? Pourquoi se fondre dans la masse humaine pendant quelques années pour fuir par la suite? Tout le monde connaissait leur existence maintenant, il pouvait prétendre être mortel pour une fois. Se trouver un logis, gagner de l'argent, sortir tard le soir pour observer les étoiles ou danser dans un club dont il allait oublier le nom. Il pouvait prétendre avoir une vie et c'est exactement ce qu'il fit. Regagnant sa terre natale, c'est à Séoul qu'il décida de s'installer, admirant la vie de la ville toujours en mouvement, la beauté du paysage et le nombre incroyable d'habitants. Ça signifiait également beaucoup de morts, mais c'était son quotidien maintenant, il ne pouvait pas ignorer son travail bien longtemps.

C'est entraidé par d'autres faucheuses inspirées par ses idées de se réapproprier leur vie volée qu'il se trouve un appartement dans un des grands gratte-ciel de Séoul. La hauteur du bâtiment lui offrant un réconfort, appréciant pouvoir observer les gens en bas, de tous petits ombres qui se déplacent si rapidement, sans aucun soucis, sans aucune peur que tout pourrait se terminer en quelques secondes... Oui, Nam Chul les admire vraiment. C'est certainement la raison qu'il recherche à devenir amis ou amants avec eux, d'offrir aux malheureux une main pour les aider et les faire sourire. Après tout, avec une vie aussi courte, autant essayer de les rendre heureux pendant qu'ils le peuvent.

C'est avec cet amour de l'éphémère qu'il s'est découvert une passion pour les plantes, n'ayant jamais eu l'idée de s'installer à un endroit fixe auparavant, son appartement se transforma rapidement en espace de verdure. D'allant aux épices, aux fleurs à la marijuana, il apprécie toutes ses plantes à leur façon. Bon, la drogue était peut-être un petit vice, mais pour une faucheuse, ce n'était rien de bien grave. Plusieurs essayaient de noyer leur douleur émotionnelle avec de l'alcool ou d'autres drogues fortes.

Il avait même été témoins de quelques-uns qui avait essayé de se prendre la vie sans succès. Chacun surmontait le pire de leur moment avec ce petit quelque chose et pour lui c'était cette fameuse plante verte.
Honnêtement, il n'avait jamais prévu devenir dealer, l'idée de vendre sa consommation à ceux qu'il essayait de protéger lui semblait contre-productif. Ça avait commencé avec les endroits qu'il fréquentait.

Répondant toujours aux appels des morts il lui arrivait plusieurs fois de passer par les bars et les ruelles, visitant les emplacements pour sa propre curiosité par moments avant que l'odeur de la drogue ne le trahisse. Il ne voyait pas pourquoi il refuserait d'aider quelqu'un par contre, il ne s'agissait pas d'une drogue dure et si quelqu'un y trouvait de la joie pendant quelques heures? C'était justement son but.

À son âge il est encore chanceux d'être une faucheuse qui a encore toute sa tête, mais qui peut dire combien d'année cela peut encore durée...