25 décembre 1896 à 3h25, la neige tombait doucement sur la ville, la recouvrant d’une fine pellicule de neige. Danger ? Certainement mais le conducteur s’en fichait. Clairement. Sa femme venait de perdre les eaux. Accident ? Presque. La voiture les a évités de justesse. Colère ? Le cochet les a traités de malade avant de comprendre et les féliciter. Arrivés en vie ? Oui. Des heures de travail plus tard, un cri. Une naissance ? Evidemment. Celle de Bae Min Kyu à 20h37 précisément. Enfant unique ? Non. Il pouvait compter une grande sœur du nom de Min Yon. 5 ans son aînée.

C’est la lune qui la première t’a bercé, t’offrant un halo de lumière agréable tandis que, nouveau-né, tu dormais paisiblement. Sans te douter une seule seconde que ta mère, assise dans le lit, t’observait avec un sourire malsain, le regard sombre. Un démon. Depuis un an cette créature vivait en elle et savait qu’en te donnant la vie, elle te prédisposait à être réceptif à un démon plus tard. Elle rêvait de conquérir le monde avec un fils à ses côtés. Avec toi, à ses côtés. Tant et si bien, qu’elle fut très protectrice avec toi, te couvant d’amour à défaut de pouvoir avoir de l’argent. Oubliant Min Yon, souvent. Oubliant son mari, parfois. Tu n’as pas vécu dans un palais, plutôt dans une petite campagne où il était facile de tomber, où les meurtres passaient inaperçu, où personne n’était irremplaçable. Autant dire que ta mère en profitait pour assouvir sa soif de crime.

« Dis papa, pourquoi les yeux de maman sont aussi foncés ? »

Bambin âgé de 5 ans, tu regardais ton papa, attendant sa réponse. Haussement d’épaule. Ce fut tout ce à quoi tu eus droit. Comment expliquer que chacun avait des pupilles de couleur différente ? Comme l’expliquer et surtout le savoir ? Il n’avait jamais voyagé, n’avait jamais vu de touristes étrangers et ne savait pas grand-chose de la vie. Simple fermier, il avait arrêté ses études bien trop tôt pour s’en souvenir. Il l’avait fait pour reprendre les terres de ses ancêtres et, ainsi, les cultiver. Il avait gentiment secoué tes cheveux noirs en voyant ta moue boudeuse avant de te demander de faire tes corvées. Tu soupiras avant de partir les accomplir.
Dans ce genre de moment où ton père faisait preuve d’ignorance, de bienveillance mais aussi d’autorité, tu le maudissais mais, au fond, qu’est-ce que tu l’aimais ton père. Tu aimais ta sœur aussi, bien qu’elle soit du genre effacée. Et ta mère, tu courrais toujours dans ses jupons lorsque tu avais fait un cauchemar ou quand tu rentrais de l’école tout simplement. Ta famille n’était pas riche, limite pauvre, mais elle était aimante et, à leur côté, tu aurais aimé vieillir. La vie était belle, la vie était douce. Mais la vie est cruelle.

Si la première guerre mondiale n’a pas trop touché la Corée à cette époque, la colonisation japonaise, si. La vie devenait difficile, surtout avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale mais parler de cela est allé un peu trop loin dans ton histoire.

« Min Yon, pourquoi tu pleures ? »

Yeux rouges. Nez rouge. Joues humides. Tu regardais ta sœur âgée de 18 ans qui pleurait dans sa chambre. Un soldat japonais avait voulu abuser d’elle. Il l’avait touché avant d’être appelé par un collègue. Cependant, cela ne changeait rien au fait que quelqu’un les avait vus. Les rumeurs se sont répandues. Elle n’était plus une femme à marier. Plus personne ne voulait d’elle. Elle ne voulait plus vivre. Tout le monde crut à son suicide, personne ne pensait une seule seconde que c’était la mère à l’origine de ce meurtre.
Pleurer. La seule chose que tu pouvais faire en tant qu’adolescent de 12 ans. Le temps ferait son œuvre. Tu vivais presque caché, sortait toujours en étant l’ombre de sa mère. Ton père était en dépression. Il avait perdu sa princesse. Il devait, cependant, vivre pour son prince alors, tant bien que mal, il remonta la pente au bout de six ans. Tu avais désormais dix-huit mais pas les moyens de faire de grandes études ni de sortir de la maison pour voir ta fiancée May Lin. Vous arriviez à vous voir en cachette le soir. Tu effleurais sa peau, t’enivrai de sa douce odeur fleurie, tu l’aimais sincèrement. D’un accord commun, vous vous êtes offerts la première fois de l’autre, de toute façon, tu comptais bien l’épouser avec le consentement ou non de vos parents.

« Tu veux vraiment épouser cette fleuriste ? »

Mars 1921. Ta mère tenait May Lin par les cheveux, prête à lui trancher la gorge tandis que tu regardais le spectacle, impuissant. Si tu t’approchais, la lame ouvrirait sa peau de porcelaine qui se couvrirait d’un rouge vermeil. Tu la suppliais de la lâcher mais c’est alors qu’un nuage de fumée noire apparut. Frôlant le parquet, tournant dans la pièce tandis que tu reculais en regardant le spectacle avec horreur. Ton dos toucha le mur. Aucune issue. Le corps de ta douce tomba à terre, inerte. Morte. La fumée entra dans ton corps. Pupilles sombres. Nouveau démon. Tu étais à présent la fierté de ta mère.

Sourire en coin. Main tâchée de sang passée dans tes cheveux. Un regard. Vous étiez désormais les mêmes. Enfants de démon qui était prédestiné à devenir des démons. A devenir des assassins dans le futur. A faire prospérer votre espèce pour créer encore et encore le malheur. A être les fiertés de vos ancêtres.

« Il paraît… On dit que… Maman, tu les a entendu ces rumeurs ? »

Lame aiguisée que tu caressais. Un regard vers ta génitrice qui rentrait. Elle comprit. Elle les avait entendues aussi. Pourquoi elle ne vieillissait pas autant que son mari ? Comment avait-elle surmonté la mort de sa fille ? Pourquoi la mort de May Lin ne te blessait pas ? Comment faisais-tu pour rester le même qu’il y a 18 ans. Le village se posait des questions depuis quelques mois maintenant. Rester ici devenait dangereux. Mais partir sans mettre la ville à feu et à sang. Le père rentra, regarda sa femme, son fils et mouru après un coup d’épée dans le cœur. Aucune trace. Il fut enterré secrètement. Personne ne se posait des questions comme : où était passé monsieur Bae ?

A la veille de la seconde guerre mondiale, la question ne se posait pas. Surtout avec la présence japonaise sur le territoire mais ce ne fut pas elle qui fit le plus de dégâts dans la ville. Un soir, plusieurs familles furent tuées. Un matin, plusieurs personnes se réveillaient en étant les seuls membres restant en vie dans la maison… Ta mère et toi étiez partis à l’aube, les couleurs orangés du petit matin dans le dos tandis que vous partiez de votre village désormais marqué par le sang.

« Pas comme ça Min Kyu, tu t’y prends mal ! »

Un soupir. L’agacement. 1950. La deuxième guerre venait de finir. Pour la première fois, tu les avais vu. Ces gens à la peau clair, aux cheveux clairs, aux pupilles de couleurs différentes. Bleu. Vert. Marron. Ou même vairon. Ces étrangers qui croyaient la famille Bae morte, qui mourraient s’ils cherchaient à tuer ces démons. Impitoyables. Et, depuis peu, tu développais tes pouvoirs. La télékinésie. C’était ton premier pouvoir. ta mère faisait tout pour que tu le maîtrise à la perfection. Elle fut ton mentor. Femme impitoyable. Fils impitoyable. Vous étiez un binôme parfait. Tu avais appris à t’éloigner du sucre. Ce doux parfum te rendait faible et te rappelait la douce May Lin.

Tu as beaucoup voyagé depuis que tu es parti de ta ville natale. Lorsque vous avez jugé bon de vous séparer ta mère et toi, tu t’es senti plus libre, tu sentais des ailes te pousser. Tu étais un démon fort, une sensibilité moindre mais que tu savais exprimer dans l’art. Manipulateur. Hypocrite. Sachant être doux si besoin. Beaucoup étaient passés dans ses bras. Homme. Femme. Peu importe. Enfant ? Pas à sa connaissance. Sortir couvert ne veut pas dire fiabilité du produit. Boire trop pouvait faire oublier la protection.

« Les année folles, la liberté, la crise, le retour à la maison. »

Voyager. Voir le monde. Amasser une jolie fortune. Voir les gens souffrir de la crise. Tuer. Encore et toujours. Il était temps de rentrer à l’aube des années 2 200. Il quitta la Malaisie pour rentrer en Corée. Séoul plus précisément. Un endroit où peu à peu, les humains avaient connaissance des créatures de l’ombre. Oh, dans ta vie tu en avais rencontré. Tous, sauf les démons, étaient à exterminer ou à mépriser. C’est d’ailleurs grâce à ce conflit que tu as développé d’autres pouvoir, faisant de toi un démon puissant. Ta mère ? Toujours en vie, elle se faisait dorer la pilule à Hawaii.

Rester ? Bien sûr. Pourquoi partir d’une terre où il pouvait sortir au grand jour sans avoir besoin de faux papiers d’identité fabriqué par des connaissances puis par tes soins ? Pourquoi aller hors de ce conflit qui signait le chaos dans le monde ou, du moins dans la ville. Tu ne pouvais pas partir. Tu devais admirer le spectacle de la déchéance. Tu devais en profiter avant de devoir repartir pour revenir, bien plus fort.

« Bonjour, que puis-je pour vous ? »

Ce sourire. May Lin ? Non. Cette fleuriste n’était pas May Lin. Elle était morte. Tuée par les mains de ta mère. Cette femme était Lin Ah. Etrange ressemblance avec la femme de ta vie, tu passais tous les jours devant sa boutique pour la regarder tout en sirotant ton café.

La vie que tu mènes aujourd’hui n’est pas posée. Grâce à ta fortune amassée, tu as ouvert une boîte de nuit avec une succursale qui fait plus office de repère de mafieux. Stripteaseurs. Stripteaseuses. Relations d’une nuit ou plan cul régulier. Jeux. Drogue. Alcool. Beaucoup d’humains ou de créatures de la nuit s’engouffrent dans cet établissement. Ils sont nombreux à penser que tu n’es qu’un humain mais tous se trompent… Et si ton histoire ne fait que commencer alors… Partons ensemble vers de nouvelles aventures.