Ce soir, tu m’enlaces comme si tu avais peur que je disparaisse entre tes doigts. Tu me dis à quel point tu m’aimes. Et à quel point tu es désolée et que ton acte est impardonnable. Ce soir, tu m’avoue enfin ce que tu taisais depuis longtemps.

T’as du mal à trouver les mots. Tout est décousu. Mais je t’écoute, sans rien dire parce que les mots non plus ne veulent pas franchir mes lèvres.

Tu te souviens de ces quelques gouttes de liquide vermeil imprégnant le parchemin. Sceller ce pacte avait été pour toi une évidence, une nécessité pour espérer survivre dans ce monde régi par les créatures surnaturelles.

T’as voulu me protéger de ce monde. Parce que tu étais terrifiée à l’idée de me perdre, de me voir mourir tout comme papa. Lui, il n’avait pas réussi à survivre. Il avait été un chasseur pendant de longues années, et ce n’est qu’à son dernier souffle qu’il était devenu une victime.

Ce pacte, tu l’avais scellé par amour. Pour moi. Parce que j’étais désormais le seul qui comptait à tes yeux, la seule personne pour laquelle tu acceptais encore de fouler cette terre. Cette même terre où autrefois les hommes étaient rois et où désormais ils n’étaient que des proies.

Chaque mois, tu devais rapporter aux pieds de cette créature démoniaque la tête d’une sorcière. Tu ignorais pourquoi il souhaitait la tête de cette créature en particulier, mais tu voulais éviter les questionnements et tu avais souhaité demeuré dans l’ignorance. T’avais donc endossé le rôle de papa, mais c’était le prix à payer pour que je survive. Il t’avait promis de me protéger, alors tu n’avais pas hésité.

Pendant des années, tu avais payé ton tribut. Mais en ce dernier jour du mois, t’as pas réussi à rapporter ce trophée tant espérer. Et toutes tes supplications, toutes tes lamentations ne purent rien changer.

Tu venais de briser le pacte. Les larmes roulaient sur tes joues, inondaient ton visage. Tu m’enlaçais. T’avais posé ta tête contre la mienne. Tu t’attendais à ce que je succombe dans tes bras. Mais il n’en fut rien. T’étais presque soulagé durant quelques instants. T’étais persuadé que le démon t’avait épargné, qu’il avait été clément.

Mais cet espoir, il avait été vain, infime.
La sentence venait de tomber.
Et c’est moi qui te l’ai annoncé, à demi-mots, les yeux noyés de larmes qui fixaient le vide.

Maman… Pourquoi le monde est devenu obscure ? Pourquoi je ne te vois plus… pourquoi je ne vois plus rien ?