Aujourd'hui ma journée était totalement libre. J'avais eu droit à un jour de congé et le bar n'avait pas besoin de mes services ce soir. C'était donc avec bonheur que j'avais pu profiter d'une grasse matinée avant de quitter mon appartement pour une petite marche en fin du matin. J'avais décidé d'aller respirer un peu d'air pur - façon de parler - à la forêt de Séoul. Il était vraiment immense et pas très loin de chez moi non plus. J'adorais ce lieu qui était remplie de verdure et de jolies fleurs. Il y avait aussi de l'eau mais je préférais ne pas trop m'approcher au cas où. Un ballon en pleine tête pouvait très vite arriver.

C'était donc détendu que j'étais arrivé dans ce paradis construit par les humains. C'était nettement plus beau que ces tours de bétons qui touchaient les nuages. La première fois je m'étais demandé comment ils faisaient pour monter là haut avant d'apprendre l'existence des ascenseurs. D'ailleurs ce petit mètre carré était très angoissant alors je privilégiait le plus possible les escaliers quand je n'avais pas dix étages à faire. J'allai pouvoir profiter de cette belle journée pour oublier tout ça et me ressourcer un peu. Chasser mes problèmes d'argents et mes pensées sombres. Il ne fallait tout de même pas que je reste trop longtemps exposé au soleil sinon ça allait sentir le poisson grillé.

Pour l'instant les fleurs étaient à l'ombre et je pouvais tranquillement les admirer. Il y en avait même à l'intérieur d'un gros camion. Pourquoi était elles là ? D'habitude on les plantaient dans un pot ou dehors. Curieux, je m'étais approché du coffre du véhicule, les yeux brillants face à la myriade de fleurs qui n'attendait qu'à être cueillies.

- Il y en a tellement...si j'en emprunte une personne ne le verra...

Les fleurs coûtaient chères, du moins celles que je désirais. Le petit pot que j'avais entre les mains serait parfait à côté du bocal de Wemo. Ca lui ferait aussi de la compagnie. Cette idée me paraissait bonne mais je n'avais pas pensé au propriétaire du camion...

Le Seelie était vraiment attaché à son travail. Il aimait toujours en faire plus, histoire de pouvoir passer plus de temps avec ses plantes bien-aimées. C'était bien quelque chose que ses collègues peinaient à comprendre... A quel point ce type aimait il son métier pour toujours redemander des heures ? Pouvait-il seulement être fatigué de ses journées ? D'une certaine manière, on tendait à être rassuré, puisque Min Soo travaillait bien. Mais d'un autre côté, on craignait toujours que cet espèce d'alien rentre en contact avec des clients, ou des intrus. Pourquoi ? Simplement parce qu'après plus d'un siècle à vivre coupé de la moindre compagnie, il avait un peu perdu ses capacités de sociabilisation. Il était fréquent qu'il embarrasse les clients, ce qui faisait que ses collègues prenaient systématiquement l'initiative de se débrouiller seul pour cette partie.
Ce jour-là encore, Min Soo était arrivé avec un collègue pour aller planter des fleurs et arranger un jardin en ville, un peu à l'écart des quartiers principaux. Le Seelie avait voulu suivre son camarade, mais celui-ci lui avait lancé un regard désapprobateur à mi-chemin en lui glissant un "Écoute, tu es gentil, mais le chef a dit que tu ne devais en aucun cas adresser la parole au client. Tu te souviens de la dernière fois ? Bien. Alors retourne au camion le temps que j'aille annoncer qu'on est là, et que je récolte les instructions".
Min Soo étant bien trop apathique de manière générale (ou du moins, ne perdant que rarement son énergie à se vexer pour ce genre de choses), il s'était à nouveau dirigé vers le camion. C'est alors que son regard s'attarda sur une silhouette humaine à l'arrière du véhicule, qui semblait s'être emparée d'un pot. Le Seelie eut un moment d'hésitation : on lui avait dit de ne pas parler aux gens, mais de la même manière, il ne pouvait pas laisser quelqu'un voler des plantes. Alors il s'approcha tout doucement, déposant sa main sur l'épaule du jeune inconnu avant de déclarer sur un ton tranquille, mais ferme :

- Tu ne devrais pas prendre ce pot.

Il considéra le pot dans les mains de l'inconnu après avoir enlevé sa main de l'épaule de cleui-ci, et secoua doucement la tête. C'était dans Lisianthus. Il ne pouvait pas le laisser partir avec un pot de ces fleurs.

- Les Lisianthus sont des fleurs très fragiles et difficiles d'entretien. Il est nécessaire qu'elles aient un tuteur pour ne pas plier, de plus, elles ne peuvent ni fleurir, ni survivre sans soleil. Ce sont des fleurs très exigeantes. Mais en effet, je comprends qu'elles aient attiré votre regard : elles sont très belles. Je les aime beaucoup moi aussi.

Un fin sourire s'étira sur ses lèvres. Est-ce que cet inconnu était aussi un amateur de plantes ? Un voleur de fleurs, déjà, ça c'était sûr. Mais s'il reposait ces Lisianthus, ça se passerait bien, n'est ce pas ?

Cette fleur était tellement belle. C'était la première fois que j'en voyais une pareille. Sa blancheur me rappelait les flocons de neige qui tombaient du ciel parfois. J'avais vraiment envie d'emmener cette plante chez moi, mon poisson clown serait tellement admiratif lui aussi. Subjugué, je n'avais pas prêté attention au bruit autour de moi et sursautais légèrement lorsqu'une main venait se poser sur mon épaule. Je manquais d'ailleurs de lâcher le pot que l'individu me conseillais de ne pas me prendre. Est ce que toutes ces fleurs étaient à lui ? Vu comment il en parlait, c'était un expert dans ce domaine.

- Lisianthus...

Répétais je tout en regardant la plante blanche. Vu tout ce qu'il fallait faire pour que cette fleur soit heureuse, il valait mieux en effet qu'elle reste dans le camion entre les mains de mon interlocuteur. Je ne me sentais pas vraiment capable d'en prendre soin. Il avait parlé de tuteur, je ne savais pas du tout de quoi il s'agissait.

- Désolé, je ne savais pas que ça appartenait à quelqu'un

Déclarais je avant de reposer ce que j'avais volé. Je n'était pas un voleur de toute façon. J'ignorais simplement qu'au final ce n'était pas un camion abandonné. En plus d'être beau, l'humain avait énormément de chance de posséder autant de plantes alors que je peinais à n'en posséder qu'une seule. Il faut dire aussi qu'il était arrivé plusieurs fois que le vase se casse à cause de ma maladresse. J'avais fini par m'avouer vaincu et ne plus rien dépenser là dedans même si ça me frustrait un peu.

- J'aime beaucoup les fleurs, aigo, si j'en avais autant chez moi je serai le plus heureux des tri...humains

Je corrigeais rapidement ma faute, espérant que le jeune homme n'allait pas y prêter attention.