Look • Ah faire son shopping, se balader entre les troupeaux de passants et de touristes pour espérer atteindre la boutique que l’on souhaite et dans laquelle on peut éventuellement espérer obtenir l’objet tant voulu. Ou pas…
Oui, je n’aime pas vraiment aller en ville surtout lors des heures bondées, mais nous n’avons pas toujours le choix dans la vie n’est-ce pas ? Enfin si, techniquement on a toujours le choix, mais malheureusement je me retrouvais dans la délicate situation de « J’ai une demande pour une potion contenant de l’atropine mais il se trouve je n’en ai plus depuis le décès de ma datura donc je dois absolument en racheter. »

Joie.

Le karma ne fut cependant pas avec moi car je ne dénichai pas le précieux dans la boutique de magie de Jongno. Je dus donc appeler une connaissance qui possède toujours ce que je cherche mais qui me le fais toujours à un prix bien salé ; l’échange eut lieu dans une ruelle et effectivement je n’eus pas le droit à un prix d’ami surtout pour un produit certainement importé d’Inde et de qualité inférieure à ce que j’utilise habituellement mais il fera l’affaire pour l’instant. C’est donc avec mon sac sur l’épaule, un peu agacé de ce nouveau trou dans mes étrennes, que je repris mon chemin cette fois juste pour flâner sans but précis avant de retourner à la maison.
Et bien sûr, quand le karma te tourne le dos, il te fait souvent le doigt d’honneur qui va avec. Ce fut ma pensée quand je vis l’infernale tête de nœud arriver dans la direction opposée.

Pourquoi parmi toutes les personnes et créatures faut-il que je tombe toujours sur ce fichu vampire ?! Bon, on va simplement faire comme si on ne l’a pas remarqué, si je ne lui parle pas alors chacun tracera sa route et je pourrai oublier son existence plus rapidement, pensais-je sincèrement. Et c’est exactement ce qu’il se passa, j’avançais sans le regarder, feignant de m’intéresser à l’architecture et aux boutiques du coin tout en évitant de cogner les touristes qui se stoppent d’un coup sans prévenir. Ce furent d’ailleurs ceux-ci qui me poussèrent à entrer dans une boutique lambda le temps que la rue se vide un peu, je me sentis bête de ne pas avoir pris ma moto ou au moins une potion qui aurait pu me sortir de la situation.

Evidemment je ne pouvais pas être la seule ayant eu cette idée, et qui d’autre que l’inspecteur canines pointues pour venir ici aussi ?

Je lui adressais un regard las pour le coup, dans le même magasin, je ne pouvais pas faire comme s’il n’existait pas. Et puis je n’allais pas me priver pour lui lancer quelques piques au passage. « Donc la police a enfin compris qu’avec ou sans toi c’est du pareil au même et du coup ils te donnent un jour de congé, à moins que tu n’ais peur de la foule ? Ah et bonjour quand même. » La politesse c'est important.

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Emi Burton

Look • Cet énergumène avait réellement un don pour m’agacer, sous-entendre que je fais mal mon travail, sérieusement ? Si seulement je pouvais lui faire avaler une de mes potions secrètes histoire qu’il fasse un peu moins le malin ! Ou même qu’il se fasse mordre par ma Cyriopagopus lividus, pas sûre que son immortalité puisse faire quoi que ce soit contre la douleur ; mais ce serait lui accorder plus d’attention qu’il ne lui en faut.

Sa remarque me prit de court pendant un quart de seconde. Il m’arrivait d’oublier que monsieur crocs pointus à l’œil aguerri. Ça me faisait mal de l’avouer mais il avait raison pour le coup, je lui avais lancé une pique sur son aversion de la foule mais j’étais la première à m’être jetée dans une boutique pour y échapper. Une légère grimace prit place sur mon visage pendant un instant, mais rien de plus, Min Hwan n’a pas besoin que je le dise pour savoir qu’il m’a cloué le bec. Je mets évidemment mon manque de répartie cinglante sur le dos de ma recherche effrénée d’un peu plus tôt, elle m’a pris pas mal d’énergie quand même.

« Ma datura est morte et j’ai besoin d’atropine pour une potion, commençais-je en finissant par le regarder dans les yeux. Je t’arrête tout de suite, ce n’est pas pour empoisonner quelqu’un, du moins, je prépare une potion pour une jeune fille qui veut soulager les tremblements de sa mère liée à Parkinson. C’est la demande qui a été faite, si quelqu’un se fait tuer avec ma potion, ce ne sera pas de mon ressort. »

Je me sens toujours obligée de le préciser à ce flic, il est capable de me faire annuler une vente même quand celle-ci est faite pour le bien d’une personne. Certes il m’arrive de vendre des concoctions très dangereuses ou des drogues puissantes mais ce n’est qu’une infime partie de mes recettes ! Il croit quoi au juste, j’ai une moto à rembourser et un élevage à entretenir en plus d’un loyer à payer.

Mais évidemment les gens riches n’ont pas ce genre de préoccupations n’est-ce pas ?

Je jette une œillade à l’extérieur de la boutique, la rue est encore bondée telle l’artère d’un obèse accroc au McDonald, mais je me vois mal faire le pied de grue au milieu d’une boutique de… De quoi au fait ? Bof, ça n’a pas d’importance, un simple coup d’œil me suffit pour voir qu’il s’agit d’une boutique de jouets, pas vraiment mon délire.

Il me faudrait une illumination pour sortir de là, éviter la foule et me débarrasser du suceur de sang…

« Je te propose un truc, je m’ennuie et de toute évidence tu t’ennuies aussi. On fait un shifumi, si je gagne tu vas me chercher ma potion de vitesse format moyen -fiole bleue, étiquette rouge notée Velociaria, étagère du haut dans le salon- pour que je puisse partir plus vite d’ici et si tu gagnes… A toi de voir si t’es joueur, dis-je en lui lançant un regard par-dessous. Ne me dis pas qu’une chauve-souris comme toi ne relève pas le petit défi d'une sorcière. »

Cette idée a une chance sur deux de faire avancer ma situation ou alors de me mettre dans une mauvaise position. Enfin bon, ça ne peut pas être vraiment pire que coincée dans une boutique avec MinHwan non ?

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Emi Burton

Look • Rien que de le savoir dans mes pattes pendant une transaction suffisait à me donner de l’urticaire et des envies de meurtre. C’était assez ironique de voir qu’un vampire souhaitait faire cesser les agissements « crapuleux » d’une sorcière, une potionneuse qui plus est ! Je lui fis quand même la remarque.

« Tu te prends pour mon chaperon ? Si je me mets dans le pétrin je me débrouillerai, je n’ai pas besoin de toi, surtout si c’est pour faire couler mon commerce. Je ne sais pas si t’es au courant, mais mon but n’est pas de faire de la criminalité, juste de vivre décemment. »

Et tant pis si cela doit te créer des ulcères, mais ça je le gardais pour moi.

Qu’il accepte ensuite ma proposition ne m’étonna guère, les créatures de la nuit ont tendances à aimer jouer avec le hasard, et laisser tomber un défi n’est pas vraiment dans leurs habitudes. Aussi je me mis position, bras tatoué en évidence pour le premier round.

Qui fut un échec.

« Ne crie pas victoire trop vite, lui répondis-je après sa pique, il reste deux manches. »

La deuxième manche fut une victoire pour moi cette fois. Je me permis donc de lui lancer un regard suffisant tout en remettant une de mes mèches en place, de la même main qui avait écrasé sa feuille avec mes ciseaux.

« On dirait que j’ai remporté la seconde manche cher ami. »

Puis vint la dernière et décisive partie, celle où tout se joue, où l’erreur n’est pas tolérée ! J’aurai pu tenter de lire les pensées de MinHwan, mais nul doute qu’il aurait certainement voulu m’étriper en l’apprenant et j’étais de toute façon une personne globalement honnête.
Les poings se levèrent puis s’abattirent en rythme avant de laisser voir le résultat.

J’avais fait pierre, lui montrait fièrement sa main à plat comme la feuille qu’elle représentait. La feuille de ma défaite.

« Bon… Il semble que j’ai perdu, dis-je en cachant mon immense bouillonnement de frustration. Avoir un mental d’acier peut avoir du bon parfois. Alors, que réclames-tu ? »

Je priais intérieurement le Saint Vlad Țepeș pour que le flic en face de moi n’ait pas un idée trop farfelue. Quoi que le connaissant, je savais que j’allais certainement morfler.

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Emi Burton

Look • « Un tel pouvoir » ? Ce cher MinHwan serait-il en train de sous-entendre que mon pouvoir n’est pas nul ? Si c’était le cas, il fallait absolument marquer ce jour d’un rocher blanc -pas celui à la noix de coco- mais c’était certainement mon imagination, jamais ce type ne pourrait avoir une once de réel respect pour l’art des potions, tout comme je n’en avais pas vraiment pour les buveurs de sang. Et qu’entendait-il par d’autres moyens de gagner sa vie ? Je n’avais pas envie d’ajouter « prostituée » à mon CV, mais je doutais qu’il parlait de ce genre de gagne-pain.

Je n’eus cependant pas le loisir de m’appesantir plus sur la question que je dus me reconcentrer sur le policier aux longues dents. Il me faisait attendre, faisant certainement semblant de réfléchir, il aimait jouer avec mes nerfs, se repaissait de ma frustration.

Si tu savais comme je rêve de te transformer en têtard en ce moment.

Et quand sa réponse vient -après une attente qui sembla durer un combat de Dragon Ball Z-, j’en fus tout étonnée.

C’était… Si simple.

Mon masque impassible se fissura pour laisser place à une profonde incrédulité avant qu’un sourire satisfait ne prenne place sur mon visage. Nous allions voir qui de nous deux est le meilleur pour remporter des défis stupides.

« Okay, lui répondis-je, passons par l’arrière-cour. Nous pourrons accéder aux toits sans que les nombreux touristes ne fassent une attaque. »

La boutique était vide de clients, je sédatais donc le vendeur en quelques secondes, juste de quoi le faire tomber un peu béat, rien de plus. Accéder à l’arrière de la boutique puis la porte de service fut donc un jeu d’enfant, plus facile encore que de récupérer la mue d’une Monocentropus balfouri. Une fois hors de la boutique, je sortis simplement une de mes seringues préremplie de potion injectable, c’était un moyen simple d’en transporter et les voies sanguines rendaient les produits efficaces plus rapidement.

« Je vais simplement m’injecter un produit qui me permettra d’avoir à peu près tes capacités pour déjà atteindre les toits. Il contient un dérivé de la méthamphétamine et oui je sais la drogue c’est mal, mais c’est parfois utile. On verra une fois sur les toits les règles. »

Sans attendre plus longtemps, j’enfonçais l’aiguille dans mon abdomen puis m’injectais la substance que je connaissais par cœur maintenant. Les effets montèrent immédiatement et je me lançais contre un mur pour rebondir en diagonale vers le haut et ainsi atteindre les toits. La porte de service donnant sur une ruelle sombre avec deux immeubles proches l’un de l’autre, c’était une manœuvre facile quand on prenait la bonne potion.
Arrivés en haut, les effets de l’injection se faisaient sentir, j’étais alerte et prête à foncer !

« Du coup, on fait cinq, dix minutes de course ? C’est à celui qui réalise les plus beaux sauts ou qui saute sur le plus de toits en un temps donné ? Une direction à suivre ? »

Il avait choisi son défi, qu’il assume jusqu’au bout à me donner les règles. Il allait certainement gagner de toute façon, contrairement à ses pouvoirs constants pour lui, mes potions aussi stimulantes n’avaient qu’un effet à durée limitée sous peine de se retrouver en mauvais état.
Je n’allais pas perdre sans me battre, j’avais un minimum d’orgueil après tout !

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Emi Burton

Look • Je n’entendis ses remontrances, à propos du vendeur vaseux, que d’une oreille distraite et plus encore celles sur mes révélations d’information. Les autres créatures avaient une sacré tendance à penser que les sorcière -et plus encore les potionneuses- étaient plutôt faibles et naïves, malheureusement pour MinHwan, révéler des infos au compte-goutte pouvaient parfois s’avérer utiles pour moi. Enfin, dans le cas présent c’était surtout pour l’informer de pourquoi mon état se trouvait subitement altéré, quoiqu’en fait il était à peu près avéré qu’il n’en aurait strictement rien à faire… Tant pis, maintenant que c’était dit, plus moyen de remonter le temps.

Il posa enfin ses règles après un temps qui me parut interminable, j’en étais presque réduite à sautiller sur place tant les effets stimulants de mon injection me rendaient dingue.

« Bien reçu, on fait comme ça ! On a qu’à dire que le top départ sera quand le pigeon qui vole se posera sur un toit ! »

Je n’attendis pas son approbation et me mit en position, j’inspirais profondément tout en ne quittant pas le volatile des yeux, et quand ce dernier posa ses pattes sur le béton, je m’élançais comme une tarée, volant de toits en toits, je me sentais libre et stupide à la fois de faire ça. Cela me fit mal de l’admettre mais l’idée de Dracula n’était pas si mauvaise, l’adrénaline que cela procurait mêlée au goût du défi, c’était plutôt pas mal.

Les minutes et les toits défilèrent, j’avais l’impression que monsieur dents longues me laissait prendre de l’avance, ou alors qu’il se jouait de moi, je ne savais pas trop à ce moment-là.  Mon ardeur redoubla et j’en oubliais que mon temps de force était compté et qu’il ne me restait plus beaucoup de cartouches.

Evidemment, le karma lui ne l’oublia pas.

Mieux encore, cela me retomba dessus quelques mètres avant un saut entre deux toits.

Les conséquences furent immédiates, mon cœur eut un violent à-coup en finissant de rejeter la potion, mes muscles finirent en pudding et cela ayant eu lieu juste au bord du toit, le basculement dans le vide fut inévitable, ma seule réaction sur l’instant fut de dire un « bon sang, j’ai perdu… ».
Chuter dans le vide ne fut pas spécialement stressant, pas que j’y étais habituée mais je savais que j’étais capable de me soigner d’à peu près n’importe quoi sauf de la mort.
Heureusement cette fois le karma fut sympa -mais pas trop- et j’atterris sur un lit de vieux matelas et de choses molles que je ne souhaitais pas identifier, le seul morceau de mon corps qui pâtit de la chute fut bizarrement mon genou qui avait heurté le sol plutôt qu’un bout de mousse.
Me redressant après un instant de remise d’esprit, je cherchais par reflexe ma sacoche pour y trouver un antidouleur qui ferait amplement l’affaire. Tout en farfouillant, je manifestais quand même ma survie par un : « T’as gagné ! Je t’autorise à te moquer de ma situation actuelle pendant quarante cinq secondes, passé ce délai la moindre remarque te vaudra mon point dans ton nez ! »

Et enfin je mis la main sur mon flacon que je m’empressais d’avaler, retrouvant du même coup toute mon amplitude. J'étais heureuse de ne rien avoir de grave mais je l'avais mauvaise d'être tombée de façon aussi lamentable... MinHwan devait avoir passé un pacte avec le karma, ça n'était pas possible autrement !

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Emi Burton