14 janvier 2410 à Suwon en Corée du Sud, la petite boule de poil toute grise que je suis est née. Malheureusement, bien que mes parents étaient heureux de m’avoir, ils savaient que les conditions n’étaient pas des plus favorables pour avoir un louveteau. Ils auraient voulu fuir. Allez vivre ailleurs, pour m’élever dans de meilleures conditions, mais leur loyauté envers la meute était plus forte que tout le reste. Comment aurait-il pu abandonner les leurs, alors qu’une menace vampirique planait au-dessus de leur tête ? Jusque-là, ils avaient toujours réussi à faire front. À repousser ses créatures puantes comme la mort de leur territoire, mais jusqu’à quand cela durera-t-il ? Jusqu’à quand, notre grande famille arrivera-t-elle à protéger les plus jeunes et les moins vaillants ?

Bien loin de toutes ses préoccupations, le petit louveteau plein d’énergie que j’étais, jouait en toute innocence. Sautant sur tout ce qui bouge aussi bien les jeunes que les adultes, pour taquiner mes congénères. On peut littéralement dire que j’en ai rendu fou plus d’un à force de leur mordiller les oreilles pour signifier mon ennui et mon envie de jouer avec eux. Ma tendance à désobéir n’a d’ailleurs pas aidé. Je revois encore mes parents me courir après, alors que j’éclatais de rire sous leur colère. Pour moi, tout ceci n’était qu’un jeu. Je ne me rendais pas compte du réel danger en m’enfonçant dans la forêt sans la surveillance de mes parents. Fort heureusement pour moi, ceux-ci ont toujours été extrêmement vigilants, sans même que je ne m’en rende compte. Sans ça, il est fort probable que ma jeune vie se serait terminée bien plus rapidement entre les bras d’un vampire.

Année 2415, ma première rencontre des vampires. Le tournant de ma vie. La nuit de terreur qui ne cessera jamais de hanter mes rêves. J’étais âgé de 5 ans à ce moment-là. Mon innocence était toujours bel et bien présente, bien que je commençais à percevoir l’anxiété qui régnait de plus en plus dans la meute. J’avais d’ailleurs questionné mes parents à ce sujet, ils n’auront malheureusement jamais eu l’occasion de me répondre de leur propre bouche. Le ciel n’avait jamais été aussi noir, à moins que ce ne soit que le résultat d’une mémoire traumatisé. Je me souviens en revanche parfaitement de cette odeur de fer contre mon petit corps, alors que j’étais balloté dans les bras de ma mère courant à toute vitesse. Les yeux à peine ouverts, je pouvais entendre les hurlements de douleur et de colère de mes semblables, alors que des échos de voix aussi noire que la nuit résonnaient à mes oreilles. La situation semblait critique. Pourquoi ma mère aurait-elle couru ainsi, à l’opposé de la bataille, si ce n’avait pas été le cas ?

Une chute. Un gémissement de douleur et les hurlements de ma mère m’ordonnant de fuir alors qu’un vampire venait de lui sauter dessus, nous faisant chuter tous les deux. Toute cette terreur que je pouvais ressentir en ma mère, m’avait littéralement paralysé sur place. Je ne pouvais qu’observer ma mère lutter pour sa vie, alors que du sang s’écoulait déjà de son flanc, blessé avant même cette altercation. Si mon père n’était pas arrivé à cet instant, nos corps auraient très probablement fini leur course à l’orée de cette forêt. Mon Paternelle venait de sauver la vie de sa femme et par la même occasion la mienne. Ce fut la dernière fois que je le vis, alors qu’il réduisait en lambeau cette créature de la mort. Gravement blessée, ma mère trouva malgré tout le courage de se relever et se transforma subitement en une magnifique louve tachée de sang. L’imitant sans aucun contrôle, sous l’effet de la peur et de l’adrénaline, je viens également à me transformer, me mettant à courir aussi vite que possible à ses côtés.

Mes coussinets me brûlaient sous l’effet de l’effort alors que je sentais mes faibles petites pattes flancher à chaque foulure supplémentaire. Ma mère, elle aussi commençait à faiblir, ralentissant de plus en plus l’allure, jusqu’à finalement marcher péniblement arrivé aux abords de Séoul. Elle semblait savoir exactement où elle se dirigeait, alors que mes forces m’abandonnèrent finalement. Ne pouvait nous stopper, elle m’attrapa dans sa gueule, alors que je commençais à ressentir la présence d’autre loup non loin de nous. C’est en arrivant à proximité d’une autre meute, qu’elle s’écroula finalement, succombant à ses blessures. Paniqué en voyant ma mère aussi faible, des hurlements à la fois de tristesse et de détresses vinrent très vite se faire entendre au travers de mes babines. Nul doute que si j’avais été sous ma forme humaine, des larmes abondantes auraient roulé sur mes joues. Que ce soit à cause de mes cris ou de nos odeurs, des étrangers firent finalement leur apparition. Au bout de sa vie, ma mère eut cependant un sursaut d’énergie à la vue de ses personnes qu’elle avait semblé chercher. Les implorant silencieusement, dû à sa forme de louve, je compris par ses mots muets, que je ne la reverrais plus jamais de ma vie, une fois que l’on m’aurait enlevé à elle.

-« Je t’aime mon fils. N’oublie jamais d’où tu viens et qui tu es. J’aurais aimé te voir grandir et devenir un beau jeune homme. Tu devras vivre ta vie pour trois dorénavant.»

Voilà les derniers mots qu’elle prononça à mon égard avant que sa tête ne tombe lourdement sur le sol. À cet instant, tout mon être vient se déchirer en mille-morceaux. Je venais de tous perdre, y compris la seule et unique femme de ma vie. Mon hurlement à cet instant-là, n’aura jamais été aussi déchirant. Il était d’ailleurs aisé pour ma nouvelle famille, de comprendre à quel point il serait difficile pour moi de me remettre de cette attaque. Mon comportement à la suite de ce tragique évènement, le prouva d’ailleurs parfaitement bien. Meurtri sous ma forme lupine, j’étais resté de longues semaines, cachée dans un recoin en attendant que ce trou béant dans ma poitrine ne se referme.

Année 2425, me voilà à présent âgée de 15 ans. Je suis devenu bien plus sociable avec ma nouvelle famille, bien que j’ai eu beaucoup de mal à me faire à eux. Depuis mon arrivée dans cette meute, malgré tous leurs efforts, je ne me suis jamais senti à ma place. Il m’a toujours constamment manqué ce, je ne sais quoi, au plus profond de mon cœur. Il m’arrivait régulièrement de fuguer dans ma jeunesse. De vouloir retrouver ce bonheur qui m’avait été brutalement arraché. Assis dans un coin, je regardais même les autres enfants jouer entre eux, sans n’avoir aucune envie, jamais de me mêler à eux. Du moins, jusqu’à ce que ce jeune loup apparaisse finalement dans ma vie et me pousse à changer. Sans m’en rendre compte, mon cœur c’est alors mis à battre pour lui. Il était devenu la seule et uniquement personne qui comptait à mes yeux et je me fichais bien que la relation entre deux loups du même sexe soit proscrite dans cette meute. Que cela soit le fis de l’Alpha m’importait peu, seul ce sentiment de bien-être et de plénitude à ses côtés comptaient à présent pour moi.

Malheureusement, il faut croire que dans ce nouvel univers, je n’ai pas le droit de trouver ma place et de me sentir un peu aimer. Notre relation entre Yoru et moi s’est bien entendu rapidement su. Difficile de ne pas sentir l’odeur de l’autre régulièrement sur notre corps. Nous nous aimions vraiment, voilà pourquoi pendant deux ans, nous avons lutté contre vent et marré. Je m’en fichais bien de ne pas obéir aux lois, si cela ne tenait qu’à moi, je me serais même enfuie avec lui. Malheureusement, après deux ans de relation, Yoru baissa finalement les armes sous la pression familiale. Aucun de mes mots ou de mes gestes, n’est arrivé à le retenir ce jour-là. Impuissant, je l’ai alors regardé rentrer dans le rang. Adieu amour, bonjour solitude et sentiment d’abandon. À partir de cet instant, j’ai voué une haine profonde envers cet alpha qui m’avait arraché la seule personne qui me faisait réellement me sentir bien. Sans Yoru, je n’avais cependant plus aucune raison de ne pas rentrer dans le rang. Aucun autre loup n’avait de toute façon grâce à mes yeux. C’est donc contraint et forcé que, pour les apparences, j’ai finalement acceptée des louves dans ma couche.

Cependant, si j’ai accepté que cette règle fasse partie intégrante de ma vie, c’était loin d’être la même histoire pour tout le reste. J’ai toujours été un loup un peu rebelle sur les bords, mais c’est encore devenu pire avec les années. Je ne me sentais pas à ma place de toute façon dans cette meute, qu’elle était donc le problème, que j’apporte le mauvais exemple en volant et me battant avec le premier venu ? J’avais besoin d’extérioriser ma rage et ma colère, et c’est par les points que c’est venu le plus rapidement.

Après ça, les choses se sont compliquées dans la famille Im et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de m’éloigner un peu deux. J’avais besoin d’indépendance et surtout de ne plus voir constamment Yoru sous mon nez sans que je puisse le toucher. Loin de moi cependant l’idée de couper les ponts, bien que je ne l’ai pas choisi, cela reste malgré tout ma meute. Je me suis donc trouvé un travail, suivit d’un logement et je ne retournais voir la famille qu’en cas de nécessité ou de manque.

Aujourd’hui, j’ai 25 ans, et ma vie n’a pas vraiment évolué depuis. Je ne supporte toujours pas l’autorité et encore moins celle de notre nouvel alpha. Secrètement, j’avais toujours espéré que Yoru prenne le pouvoir, alors voir finalement son jeune frère prendre cette place m’a rendu dingue. Obéir à un à gamin très peu pour moi. En ce qui concerne le travail, je suis devenue mécanicien. Ne me demandez pas pourquoi, à vrai dire, c’est plutôt le fruit du hasard qui m’a fait atterrie là. D’autant plus que, bien que ce travail soit officiel aux yeux de tous, il m’arrive régulièrement d’accepter des missions secrètes de tous types et venant de toutes espèces, chèrement rémunérées bien sûr, pour entretenir mon besoin d’adrénaline et surtout pour continuer à faire enrager ma meute. Et puis quitte à faire des choses illégales, autant essayer de retrouver par la même occasion, les meurtriers de ma vraie famille. Non ?