Une petite boule de poil noir ébène marchait tant bien que de misère avec sa peluche, trainant sur le sol, dans sa gueule. Maladroitement, elle trébuche sur le côté avant de se redresser avant de continuer de faire ses pas. Suivant son frère - une autre boule de poil, mais cette fois blanche lignée noire – qui l’attendait bien sagement au détour pour pouvoir l’attaquer et jouer. Sauter sur son dos pour pouvoir mordiller ses oreilles. Deux chatons qui se battaient régulièrement ensemble, s’endurcissant, s’amusant, sous les regards attendris des adultes. Ainsi était la vision de la femelle dominante, originaire de la Corée du Sud, regardant amoureusement ses petits. Fières d’eux afin de prospérer la lignée des métamorphes sang pur. Aussi valorisant en étant la fameuse partenaire aimante de l’Alpha de la meute de Tokyo au Japon. Une future génération puissante et un bel avenir, songeaient-ils. Une harmonie déjà complémentaire et surprotecteur, continuaient-ils de penser. S’ils savaient ce que la vie pouvait leur réserver. Des hauts et des bas, des vertes et des pas mûres. Riche en couleur, autrement dit.

Un mouton noir, c’était comme ça qu’on m’appelait lorsque j’étais enfant. Très vite, j’avais appris à me ficher de la hiérarchie de la meute. Préférant vivre ma vie comme je l’entendais à l’époque. Être dans mon coin et dessiner ce que je pouvais. L’art me passionnait et me passionne toujours autant. Ma mère qui ne cessait de me dire d’étudier convenablement au lieu de gâcher mon temps sur les bouts de papier. Avoir un travail respectable et surtout devenir la femelle dominante quand le moment sera venu. Quand ? Je ne voulais pas me battre, déjà que je me battais assez avec mon frangin pour justement m’endurcir et pour s’amuser. Déjà, que je ne voulais pas gérer une quelconque affaire quand il s’agissait de la meute. Bien souvent je n’étais pas d’accord vis-à-vis des directives de mon père, qui lui, était l’alpha donc imagine femelle dominante ? Oui, à cette époque, je savais pertinemment ce que je voulais faire dans ma vie ; être artiste. Très jeune, collée à mon frère, je voulais montrer mon art au monde entier. C’était assez simple non ?

Les reproches se faisaient de plus en plus fréquemment à cette époque. Encore plus au temps de rébellion qu’était l’adolescence. Prouver un profond respect à mon frère qui lui suivait bien tranquillement qui lui était tracé par nos géniteurs pendant que moi... Moi, me battant que si nécessaire ou par jalousie, moi qui préférais nettement mieux faire le mur et me promener tranquillement dans la pénombre de la nuit. En ma forme animale, noir comme l’ébène, me faufilant dans l’ombre. Grimpant à l’occasion dans les arbres pour vivre le peu de liberté que j’avais. Les moments comme ceux-là que je n’oublierai jamais. Au grand jamais. Surtout dans mes balades nocturnes, j’avais vu un endroit assez particulier qui m’avait intéressé. Un coup de cœur quand j’étais entrée à l’intérieur pour finalement poser mes yeux sur les œuvres d’art. Des tatous qui n’attendaient que de se faire encrer en permanence dans la peau. Un royaume que je ne croyais plus ou moins exister et le voilà sous les yeux. C’était magnifique et j’avais les larmes aux yeux au point que je me voyais faire ce genre de métier. Est-ce que mes parents allaient accepter ? Bien sûr que non. Est-ce que j’allais me faire gronder ? Effectivement. Pourquoi le dire si je pouvais faire le mur ? Justement, j’étais déterminé à apprendre ce job, j’avais demandé à un tatoueur de m’aider. De me démontrer, de m’enseigner. Tout qu’on puisse faire avec un apprenti. Étonnamment, il avait accepté, ça n’avait pas été facile, mais il avait fini par accepter. C’était grâce à cette personne que mes connaissances en art ce sont davantage approfondi. Je restais près de lui à chaque client qu’il faisait ou soit je dessinais pour lui. Cela avait duré un certain avant qu’on puisse me laisser une chance en tatouant véritablement quelqu’un. Cet homme, un regard ; quelques choses s’étaient passés en moi. Comme si je pouvais donner ma vie pour qu’il reste en vie. C’était étrange comme coup de foudre ceci dit, mais ça ne m’avait pas empêché de mettre son dessin indélébile. Au contraire, grâce à lui, que j’avais eu cette piqure. Lui, qui ne cessait de tourmenter mes pensées en me regardant, que je lui souriais un peu gênée de la situation du coin de l’oeil. Cependant, ce fut bref car mon père m’avait surpris dans ce salon de tatou. Me querellant devant tout le monde. Je le regardais d’un air de défi l’entendant insulter ce qui entoure et comme quoi que je le décevais énormément. Je m’en fichais. C’était ce que je voulais faire dans ma vie et il refusait ? Toutefois, malgré mes reproches, je n’avais pas mon mot à dire à ce sujet. Comment disparaître du jour au lendemain en étant priver de sortie ?

L’homophobie est chose au courant parmi les métamorphes. Mon père en faisait partie ainsi que ma mère. Dans mon cas, ça ne me dérangeait pas, puisque je savais que mon frère batifolait autant avec les hommes avec les femmes. Je l’avais déjà vu en train de draguer un homme et de l’embrasser. Est-ce que cela m’avait choqué ? Au contraire. Il fallait que ce monde ouvre davantage leur esprit comme je le faisais et je le fais naturellement. Si notre avenir est destiné à être comme ça ? Pourquoi aller à l’encontre de la nature ? Qu’est-ce qui vous dit que c’est contre nature ? De toute façon, il avait fallu une soirée pour que mes géniteurs puissent découvrir la scène dans un jacuzzi. Voyant deux hommes s’envoyer en l’air dont un étant mon fraternel, le choc que cela avait fait. L’engueulade qui avait suivi par après. Je restais dans mon coin en m’amusant de cette situation car dans le fond, je n’étais pas la seule qui décevait, mais je ne riais pas tellement longtemps puisqu’ils avaient tous les deux reniés Nao pour s’occuper de mon cas. M’inscrivant dans des études d’affaire, voulant que je leur fasse honneur.

D’ailleurs, après cet incident, j’avais su rapidement que mon frère se faisait exiler. Je refusais de vivre loin de ce dernier, mais également en portant une lourde charge sur mes épaules pour endosser le rôle dont on m’avait obligé à avoir. Du coup, devenant une solitaire, je suivais Nao en Séoul. M’exilant toute seule. Reniant ma meute que j’avais toujours vécu. Allant travailler dans un autre pays pour ouvrir mon salon de tatou. Quelques mois, il avait fallu que je me ramasse assez d’argent pour ouvrir ma propre boutique et pouvoir commencer à tatouer à ma guise. Toutefois, je ne pensais pas revoir le mec avec qui j’avais eu cet étrange coup de foudre. Qu’on détienne un étrange lien.

Un foutu lien que j’aurais voulu ne pas avoir connaissance. Une querelle. Je l’avais ignoré, devenant chacun fou sous cette foutu pleine lune. Mon frère voulait remédier cette situation, mais il n’a jamais rentré dans la maison. Au lieu de ça, l’odeur du sang ne cessait de planer dans les rues de Séoul.... Deux ans que je suis ici et pour la première fois, je me retrouve véritablement solitaire et l’idée m’en est insupportable.