Il est difficile de s’imaginer que toute sa vie peut s’effondrer en une fraction de seconde sans signe avant-coureur. Tout ce qui a été construit disparaît comme balayé par les vents violents d’un typhon et c’est quand sa demeure se trouve dans l’œil du cyclone que l’on sait que rien ne sera plus jamais comme avant.

La vie souriait pourtant à Nowaki ; il possédait des amis, une famille -deux parents, un frère, une sœur ainsi qu’un chien nommé Pocky- d’un soutien sans faille, pas de soucis notables lors de scolarité, une carrière musicale en plein boom, bref, que demander de plus ?

Il suffit pourtant d’une soirée pour que l’engrenage infernal se remonte pour ne jamais se stopper ; très alcoolisé du fait d’un jeu à boire avec ses amis et collègues lors d’une petite tournée, Nowaki s’en était allé rendre le maximum de l’alcool présent dans son corps au pied d’un buisson dans une veine tentative d’éviter la gueule de bois. Peut-être avait-il dérangé une créature de la nuit ? Aujourd’hui encore il ne sait pas vraiment comment les évènements se sont enchaînés, simplement, il reçut une très douloureuse morsure sur son bras, dénudé à ce moment-là. Qu’était-ce ? Pourquoi cette attaque ? Perdu dans les brumes de l’alcool, ses amis avaient pensé à un clébard errant et lui avaient juste nettoyé la plaie avant de l’envoyer s’allonger pour dégriser.
Avec ses souvenirs en tête mais pas de preuve de quoi que ce soit, Nowaki finit par se dire que peut être, il ne s’agissait que d’une mésaventure originale contre un animal en rogne et que de toute façon il devait se concentrer sur le reste de sa tournée et l’évolution de sa carrière.
Tout se passa pour le mieux pendant quelques semaines jusqu’à cette terrible pleine Lune.
Les jours précédents, Nowaki s’était retrouvé dans un état d’agitation rare pour ce jeune homme boute-en-train et bien dans sa vie ; à ce moment-ci il passait une semaine de repos avec ses parents mais il eut de plus en plus envie de s’éloigner de leur maison, d’aller faire de loooongues balades. La catastrophe arriva alors que la Lune planait haute et bien ronde dans la nuit fraiche et qu’il était parti pour une énième marche dès son repas avalé ; l’inquiétude habitait d’ores et déjà ses parents en ce moment mais aucun ne l’empêcha de partir.

Il ne se souvint pas de ce qu’il a fait, jusqu’à ce que l’agitation le submerge alors que la Lune dardait sur lui ses rayons de gris. Ce fut à cet instant que le typhon se créa.

La douleur. Comment vous évoquer la douleur ? Ce fut comme si son corps se disloquait, son esprit se scindait et qu’une personne s’amusait sadiquement à le jeter simultanément dans un feu ardent puis dans l’eau la plus glacée. Combien de temps cela pris ? Des minutes, peut-être même des heures, le fait est que quand il se réveilla, sa vision n’était plus la même, son corps non plus. Des sabots à la place de ses orteils, une robe grise tachetée à la place de sa peau claire, une queue longue faite de crins et quand il pensa hurler, seul un hennissement de détresse sorti de sa bouche. Perdu, choqué et ne comprenant pas grand-chose, Nowaki tenta tant bien que mal de au moins se mettre debout, pour reprendre pied à la réalité dirons-nous.

La scène aurait pu paraître amusante pour quiconque l’aurait observé, il donnait l’impression d’être un cheval alcoolisé ; mais pour celui coincé dans ce nouveau corps, ce fut plutôt du désespoir. Marcher sur quatre membres est plus difficile qu’on peut l’imaginer et il fallut à Nowaki bien une bonne trentaine de minute pour se tenir droit et enchainer deux pas sans s’effondrer.

Bien, que venait-il de se passer ?

La seule chose qu’il savait c’est que présentement, il n’était plus humain mais apparemment un étalon de grande taille… Bref, rentrer vers  sa famille était impensable tant qu’il ne savait pas comment faire pour redevenir dans sa forme originelle, aucune chance que quiconque en le voyant se dise « tiens Nowa ! T’as décidé de changer de make-up ? » mais plutôt « un cheval en liberté ici ? Appelons la police ! ».
La meilleure solution lui parut de marcher au pas évidemment et de connaître cette nouvelle enveloppe, il n’avait rien de mieux à faire. A ce moment précis, il avait l’espoir d’être encore dans un rêve et qu’à son réveil, il serait de nouveau le jeune Nowaki Iwabe, fan de baseball et rappeur méritant, bien au chaud sous sa couette. Mais rien ne changea pendant la nuit complète pas même le lendemain, il se trouvait toujours perché sur quatre longues pattes, mais point positif, il comprit comment faire du trop sans tomber et galoper librement. Cette expérience fut vivifiante et nouvelle pour lui mais aussi absolument terrifiante.
Redevenir un humain fut aussi difficile que la transformation inverse et laissa Nowaki nu, complètement épuisé et frissonnant du froid sur sa peau trempée de sueur. Il arriva cependant à se trainer près de chez ses parents, mais il ne pu s’approcher d’eux. Qu’allait-il dire ? Arriver en tenue d’Adam comme une fleur et devoir dire qu’il avait vécu une expérience étrange et horrible à la fois…


L’expérience resta ancrée en lui, se transformer en un animal c’était insensé ! Et si cela recommençait sans prévenir ? Il ne pouvait plus rester ici, près des siens, ils avaient beau être compréhensifs et plein d’affection, toute personne à ses limites, y compris pour sa famille.
Ainsi il partit à Séoul dans le plus grand secret, utilisant du liquide pour payer son billet et abandonnant carte bancaire et smartphone à l’aéroport. La seule chose qui permettrait de savoir qu’il avait fui était son passeport mais rien de plus.

Depuis, il vit à Séoul assez difficilement, mais peut-être qu’il y a quelqu’un dans ce monde d’assez gentil pour vouloir l’aider à comprendre ce qu’il est ?