Une étincelle dans le noir, un peu de rose dans ce monde, de la joie, de la féminité. Shiho marche toujours la tête haute, le sourire aux lèvres malgré ce qui l'entourait. Qu'elle marche dans une flaque de ce désastre ou pas, son sourire est éternel. Que sa famille, ses amis, les personnes comme elle qu'elle connaissait soient mortes n'allaient pas le changer. Elle souriait un jour, elle allait sourire toujours. Tuer pour leur sang, pour leurs cornes, pour leurs pouvoirs, il ne lui restait plus rien, elle était orpheline, perdue. Et pourtant, son rire résonnait toujours dans la forêt vide d'âme.

Elle est la lumière dans la nuit, la couleur dans le noir et blanc, celle qui efface les larmes et le sang, qui apaise les cœurs brisés. Elle vaut cher, elle le sait, que ce soit son sang ou sa corne, mais ça ne l'empêche pas de vouloir faire de sa vie une vie heureuse. De faire que les personnes à ses côtés sont heureuses, qu'elles sachent pourquoi ou non. Il devrait y avoir une raison à cette joie éternelle, à ce but suprême à sa vie. Si on lui demande, elle dirait que non. Elle souhaite juste que quelqu'un d'autre qu'elle vive dans son monde. Ce monde où rien n'est douleur et haine. Ce monde où le danger ne la suit pas à chaque pas. Ce monde où elle peut vivre librement sans risquer de tout perdre.

Shiho n'a pas toujours été ainsi. Elle avait peur petite. Effrayée de perdre tout ce qu'elle connaissait, de ne plus pouvoir courir dans la forêt, les cheveux libres dans le vent, de parler aux animaux comme à ses meilleurs amis. Des personnes, humains, ou autres créatures, en avait après elle, après sa famille, ses parents. Ils étaient en constante fuite, incapable de montrer ce qu'était le paradis pour leur fille. Ils ne faisaient confiance à personne sur terre, même certains lycans qui pourraient pourtant les aider. Mais non, à la place, ils courraient de ville en ville au pays du soleil levant, afin de trouver un autre endroit pour vivre, une possible aire de paix, un oasis sur cette Terre, un éden. Ils ont fini par se réfugier en dehors du pays, chez des cousins éloignés, en Corée. Et tout semblait allait pour le mieux pour eux jusqu'à qu'une embuscade de fourbe, assoiffés de la vie éternelle s'en prennent à eux. Quel âge avait-elle ? Dix ans, tout pile. Le jour de son anniversaire, elle assistait au cauchemar de sa vie, ses parents morts devant ses yeux, et elle était seule, seule pour vivre dans ce monde de barbares.

Elle a dû apprendre à vivre seule si tôt, qu'elle développa la même peur que ses parents du monde entier. Très souvent encore inhabituée à ses pouvoirs, il n'était pas rare que certaines personnes se mettent soudainement à entendre des pleurs sans en voir la source, des objets bougeaient alors qu'il ne devrait pas, mais au fil à mesure du temps, elle finit par s'y faire, par apprendre à connaître ce spécimen qu'elle était. Le déclenchement de son éternel sourire ? Quel âge avait-elle, peut-être quinze ans tout juste. Quand sa peur revint à la charge. Un homme qu'elle ne connaissait pas l'avait suivi depuis maintenant bien trop longtemps, et il était partout où elle allait, tant qu'elle ne pouvait pas vivre, étouffée par sa présence. Shiho décida de jouer le tout pour le tout, de voir si c'était vraiment elle ou une coïncidence, et de partir en courant loin de ses bases. Mais derrière elle était toujours cet homme. Ce qu'il voulait, ce qu'elle était, ce qu'elle signifiait. Elle qui pensait que se défendre serait impossible contre un adulte masculin pour en rajouter, se trouva plutôt surprise de ce qu'elle pouvait faire. Lui qui voulait sa corne l'a eu d'un certain sens, en plein le cœur. Le sang coulant sur son visage, Shiho n'eut pas de réaction, autre qu'un sourire. Elle s'était libérée. Grâce à ce qui la fait vulnérable.

Aujourd'hui, elle n'a plus aucune peur sur son visage, le danger vient vers elle, mais elle arrive toujours à avoir la chance de l'échapper de belle. A la recherche malgré tout d'une place parmi les siens ou un clan voulant bien l'accepter, elle ne veut pas refaire la même erreur que sa famille. Elle ne donnerait pas sa confiance entière, mais le monde n'est pas noir autour d'elle. Il brille de milles feux.