On me reproche souvent de me compliquer la vie. Après tout, j'habite Songpa, j'étudie à Yongsan, je travaille à Dongdaemun... et je fais mes courses à Gangnam. Pourquoi Gangnam ? À vrai dire, c'est un simple concours de circonstances qui changea une partie de ma routine, il y a de cela maintenant plusieurs mois. Gangnam est, dans un sens, le centre de mes loisirs. Si je ne suis pas chez Mary, je prends un café au Bar à Chats ou encore au Café à Hiboux. Et comme de fait, je suis entrée dans un hypermarché du quartier alors que je me dirigeais vers l'appartement de ma meilleure amie, ayant omis d'acheter un sac de bonbons comme je lui avais promis. L'hypermarché en soi, j'avoue, il n'a rien d'extraordinaire. C'est le caissier qui a attiré mon attention.

On l'appelle "l'handicapé de l'hypermarché". Du moins, c'est ce que j'entends parmis les chuchotements des clients. Je ne dis pas qu'ils ont tord; mais selon moi il y a maintes façons de le désigner et surtout, plusieurs tons moins dénigrants à employer. Pour moi, il est l'employé au coeur d'enfant. Celui qui semble toujours mettre son 110% dans son boulot malgré ses limitations, malgré ses difficultés à lire le montant total de la facture lorsqu'il est un peu trop élevé, et malgré son exécution un peu plus lente qu'un autre caissier. Un exemple de persévérence qui met un peu de soleil dans ma journée.

Je m'étais donc donné comme objectif personnel de faire de légères courses à l'hypermarché de Gangnam une fois par semaine. Fidèle à mes habitudes, je m'y dirigeais après un quart de travail avant de reprendre le métro vers Songpa. Avant de partir, je m'assurais toujours de glisser la tige d'une petite fleur au travers mon chignon pour qu'elle soit plus facile à transporter; dans le but de la lui donner, bien entendu. Je n'étais pas 100% certaine qu'il aimait, mais il semble apprécier le geste.

Aujourd'hui, j'ai choisi une tulipe orange. Pourquoi ? Franchement, simplement parce qu'elle me faisait de l'oeil. Accompagnée de la jolie tulipe, j'entre dans l'hypermarché en m'assurant d'abord que le caissier était bien présent. En général, je ne prends que les quelques items que j'ai décidé de ne pas acheter lors de mes courses régulières plus près de chez moi. Cette semaine je prends principalement des items d'hygiène : un gel douche, un shampooing, un tube de dentifrice... et une barre de chocolat pour la route.
   
Je me place joyeusement dans la file d'attente, me positionnant derrière un couple un peu impatient. J'entends l'homme grogner et murmurer des insultes; ma bonne humeur s'estompe aussitôt. C'est maintenant son tour d'être servi, et je fixe l'homme sans rien dire, bien que l'envie de lui jeter un sort ne manque pas. Seulement pour faire le Bien, Haneul. Pas pour ton intérêt personnel.

C'est l'histoire de la vie
Le cycle éternel
Qu'un enfant béni
Rend immortel

- La ronde infiniiiie de ce cycle éterneeeeeeel...AAAAAAAAAAh je vais être en retard !

Quand on écoutait le Roi Lion, on ne voyait pas les minutes passées. Mais si je me dépêchais pas, j'allai être en retard pour le roulement et on allait encore dire qu'on m'en voudrait pas parce que j'étais différent. C'était quoi être différent d'abord ? Parce que j'étais japonais ? Enfin, mon corps l'était. Moi j'étais coréen. Je crois. Pas sur, mais vu que ma tombe était là je supposais. Bref. J'avais encore perdu ma chaussure et j'avais pas le temps de la chercher. Ce n'était pas comme si c'était la première fois que je venais avec des baskets pas pareils. J'essayais quand même d'en choisir une autre qui ressemblait à sa copine. Histoire que ça soit moins voyant.
Je jetais un dernier coup d'oeil dans le miroir de l'entrée, effaçant une trace de dentifrice sur ma joue avec la manche de mon sweat. Voilà, c'était parfait. J'attrapais mon sac à dos crocodile et l'enfilais, direction l'hypermarché. Les écouteurs dans les oreilles je chantonnais des chansons de Disney en attendant le métro. Je disais bonjour avec un sourire avant de m'asseoir. Je regardais l'heure sur mon portable. Le chiffre 4 n'était pas encore affiché, ce qui me laissait du temps. A vrai dire, je savais pas lire l'heure alors. Ma responsable m'avait juste donné les chiffres à mémoriser de mon planning. Et comme quand je m'étais levé, c'était un 2, je pensais être prêt mais le 3 avait rapidement fait son apparition.

Une fois arrivé à ma station, je descendais du métro et toujours en chanson, passait par la porte du service de l'hypermarché. Je saluai les collègues que je croisais et allai poser mes affaires dans mon casier.

- A tout à l'heure petit croco !

J'accrochais ensuite mon nom sur mon gilet avec écrit celui de l'hypermarché dans mon dos. Je jetais un coup d'oeil à l'horloge, la petite aiguille était presque sur le II et la grande sur le 0. Pile poil à l'heure. Rassurée, je me servais dans le bocal à bonbon avant de filer vers les caisses. J'avais toujours la même, ce qui m'évitait de me perdre. Justement, ma jolie collègue était en train de fermer sa session.

- Bonjouuur

- Oh bonjour Kinzo, tu arrives pile à temps. Je te laisse ma place !

Devant le regard impatient des clients, je prenais son fauteuil et me connectais. Mon mot de passe c'était quoi déjà ? Chaussette ? Non ça c'était celui de mon ordinateur portable. Enfin, pas vraiment le mien...Oh et si j'essayais celui-là ? Yeah, j'ai gagné ! Je levais les bras en l'air en signe de victoire, sous le sourire de ma collègue de derrière et celui agacé des autres qui attendaient. Pffff. Les vivants étaient pas drôles.

- Désolé désolé je m'y met

Je commençais à scanner les produits du premier client. M'amusant à analyser sa vie par rapport à ce qu'il avait acheter. C'était facile de deviner quand il y avait un bébé. Sauf si ils avaient eux même des fuites...Je pouffais face à cette idée. Etre caissier était loin d'être ennuyant. Bien sur, il m'arrivait de me faire disputer parce que j'allai pas assez vite ou que je rendais pas la bonne monnaie quand la machine censé le faire était en panne. Mais globalement, il y avait toujours un collègue qui venait calmer le client en lui expliquant ma situation. Pas la vraie bien sur, ils savaient pas que j'étais un fantôme en réalité et que le corps dans lequel j'étais faisait dodo.

Les minutes s'étaient donc écoulés rapidement sans aucun soucis. Je pensais donc finir ma journée dans la gaieté mais c'était sans compter le vilain monstre qui était sortie de sa tanière. Même si il avait fait que meumeuner ses insultes, je n'étais pas sourd. Ce n'était certes pas la première fois mais c'était pas pour autant que ça faisait plaisir. Je ne devais pourtant pas craquer et arborer mon plus beau sourire.

- Bonjour monsieur

Il avait encore meumeuner dans sa bouche. Je devais faire vite avec celui-là. Tiens, ça a pas fait bip. J'essayais une bonne dizaine de fois mais rien à faire. Catastrophe ! Qu'est ce que j'allai faire ?

- C'est pour aujourd'hui ou pour demain ? Vous voulez peut être que je fasse le travail à votre place ? Aigo, on a pas idée d'embaucher des malades mentaux ! Ils devraient plutôt être enfermé oui

Tenant le sac remplis de carottes, je fixai en clignant des yeux le client qui venait de m'insulter - cette fois ci à voix haute. Je sentais ma gorge se nouer, mon ventre se tordre de douleur. Ma vision devenait flou alors que mes yeux s'embuaient de larmes. Je n'étais pas seulement triste mais aussi en colère. C'était pas ma faute si ces foutues carottes passaient pas le bip ! C'était pas ma faute si j'avais pas été à l'école ! C'était pas ma faute si j'étais mort ! ( ou peut être que si, je savais pas la raison ). La gondole en bout de caisse était soudainement tombé par terre, me faisant sursauter. Oh non, ça recommençait. J'essuyais les larmes qui avaient coulé sur mes joues du revers de ma manche avant de me rappeler que je pouvais saisir manuellement les chiffres du code barre. Mais j'aimais pas ce moment, il y avait trop de numéros.

- 99..3...6...

Je tapais d'un doigt tremblotant sur les chiffres, essayant de faire abstraction aux paroles de l'homme, qui était reparti dans ses plaintes horribles. J'allai lui enfoncer dans le cul moi, ses carottes...Ca le rendrait peut être plus aimable.

C'est la première fois que je tape du pied alors que je fais la file à l'hypermarché. C'est de l'impatience, oui; mais pas envers le pauvre caissier qui ne faisait qu'essayer de faire son travail du mieux de ses capacités. Non, c'était envers le client en face de moi. L'envie de me manque pas de lui jeter un sort pour essayer de faire comprendre quoi que ce soit à ce pathétique spécimen humain, mais je me retenais, tenant mordicus à mes principes. Il est peut-être con, mais il n'a pas fait de mal à l'employé.

J'avais parlé trop tôt, apparemment. Les mots « malade mentaux » et « enfermé » résonnent dans mon esprit, et je bouille d'une rare colère. Je sers le poing et je fixe l'homme alors que mon regard se brouille. Je vais le... Un fort bruit me sort de ma rage, et ma tête se tourne instinctivement en direction du son. Quelque chose est tombé au sol du côté de l'employé, et d'autres objets commençaient à vibrer. J'ai rapidement fait un plus un en voyant la détresse du jeune homme et en analysant les traces magiques autour de moi. Je n'étais pas encore en mesure de différencier les types de magie, mais je me doutais qu'il était à l'origine de ces vibrations et mouvements erratiques chez certains objets.

D'un geste de la main gauche, je tente de dissiper cette magie accidentelle; chose qui fonctionne à un certain degré. Et, toujours aussi enragée, je m'avance vers l'homme en le poussant de ma main droite. « H-hey toi! » Ma voix résonne un peu trop fort à mon goût dans l'hypermarché, et si les autres clients ne regardaient pas déjà la scène, ils ont maintenant une raison de plus d'être curieux. Haneul n'est pas le genre de fille qui s'impose, normalement. Alors même si je me surprends moi-même, je ne pouvais pas laisser cette injustice continuer. Je me mets à trembler, mais je continue dans ma lancée.

« Enfermer les malades mentaux? Ce... c'est plutôt toi qu'on devrait enfermer! Alors tu... tu v- »

Il s'avance à nouveau vers moi, imposant. Sa petite amie lui tient le bras, lui chuchotant quelques mots que je n'ai pas pu déchifrer. Mais il se défait de sa faible emprise et il me hurle dessus à nouveau. Comme quoi je suis qu'une connasse, que je mérite d'être enfermée comme « l'autre taré », que la Corée serait bien mieux sans débiles, et il part sur un monologue pendant que je vois que quelques étincelles électriques apparaissent du bout de mes doigts. Une magie que je ne contrôle malheureusement pas, et que j'espérais qui allait se dissiper de peur de provoquer un accident.

Malheureusement tous le monde n'était pas compréhensif avec mon problème. Certains clients étaient très patients, d'autres beaucoup moins et je n'appréciais pas vraiment ces derniers car souvent ça partait en cacahuètes. Je ne faisais pourtant rien de mal, même de mon mieux pour avancer vite mais je finissais par être plus nerveux qu'autres choses. Je prenais beaucoup sur moi pour ne pas pleurer ou utiliser mes pouvoirs afin de leur faire fermer leur bec. Moi j'aimais bien mon travail et je voulais pas le perdre en faisant du mal à quelqu'un. Pourtant eux, ils ne se gênaient pas pour m'en faire, verbalement. Personne ne m'avait encore frappé mais les mots pouvaient faire aussi mal qu'un coup de poing. Du moins, je supposais, je me rappelais pas en avoir eu un avant. En tout les cas, cet homme actuellement ne me portait pas dans son coeur et ses actions me stressait. Trop, car je n'arrivais plus à contenir mes émotions. Résultat, j'avais encore tout fait tomber.

Alors que je tapais à la main le code barre d'un produit, une voix féminine s'était levée, me coupant dans mon exercice. C'était une cliente que je voyais souvent, je me souvenais d'elle parce qu'elle était toujours gentille avec moi. Elle avait un joli sourire aussi, celui qui illuminait une journée. Cette fois-ci la demoiselle venait à mon secours, déclarant que c'était plutôt mon bourreau qui devait être enfermé. J'écarquillais les yeux sous ses propos, sentant que ça allait mal finir. Le méchant homme ne s'était en effet pas laisser insulter, traitant la jeune femme d'un joli nom d'oiseau et d'autres choses pas très flatteuse.

- S'il vous plaît...calmez vous...

Demandais je en me levant de mon siège mais c'était un peine perdu avec ma faible voix et musclor qui en plus d'être stupide était sourd.

- Qu'est ce qui se passe ici ?

Oh l'agent de sécurité - mon héros - était arrivé pile au bon moment. Ca devait être une de mes collègues qui avait alerté superman. Ce dernier avait commencé à parler à l'autre homme, lui indiquant de se calmer sinon il allait être mis dehors. Je dirais pas non qu'on le mettre à la porte du magasin. C'était à contre-coeur que l'homme s'était calmé sans s'excuser pour autant auprès de la demoiselle qui était intervenue en ma faveur.

- C'est bon Kinzo tu peux continuer, je le garde à l'oeil

J'étais rassuré de l'apprendre car je n'avais pas envie qu'une dispute s'élève à nouveau dans l'hypermarché. Ca arrivait pas non plus tous les jours mais souvent. A ma caisse, évidemment. Peut être que je devrais dire à ma supérieure de mettre un panneau devant la file pour indiquer que seul les patients étaient autorisés. Enfin, je souriais de toute mes dents à l'agent de sécurité avant de reprendre mes scans. Ou plutôt les carottes. Quelques minutes après j'avais enfin fini d'enregistrer ses courses avec un regard noir en guide d'aurevoir. Je lui tirai la langue quand il avait tourné le dos. Si je le croisais à l'extérieure il allait finir en chou-fleur.

Ca m'avait épuisé cette histoire mais en voyant ma sauveuse - la seule qui était resté dans la file - je pouvais bien faire un effort avant de partir faire une pause.

- Bonjour ! Euh...merci pour tout à l'heure...

Gêné, je me triturais nerveusement les mains, avant de lever mes yeux vers sa coiffure, voyant une jolie fleur en dépassé.

- Oh elle est jolie votre fleur ! Moi je peux pas en mettre comme vous, j'ai pas assez de cheveux

Rajoutais je avec une petite moue avant de commencer à scanner.

Les étincelles au bout de mes doigts éclatent de plus belle alors que la voix de l'homme se lève et que son regard se fait de plus en plus imposant. Je ravale ma salive difficilement en tentant tant bien que mal de contrôler cette magie qui n'en fait qu'à sa tête, jusqu'à ce que la voix du caissier se fasse entendre, bien que faible. Je prends mon courage à deux main, refermant ma main gauche pour étouffer les étincelles et je regarde l'homme dans le blanc des yeux, impassible. Le jeune caissier avait besoin de moi, et besoin que je reste calme. Heureusement pour moi (pour nous tous, en fait), l'agent de sécurité intervient.

L'homme se calme et sa petite amie me regarde d'un regard gêné. Je lui adresse un faible sourire alors que mon regard se dirige à nouveau vers le trouble fête, le gardant sans doute autant à l'oeil que l'agent de sécurité. Du coin de l'oeil, je vois que tous ceux qui s'étaient approchés de la scène se sont éloignés à nouveau, et ceux qui faisaient la file derrière moi ont changé de caisse, sans doute pour éviter des malaises. Mais moi, j'avais une mission. Sitôt l'homme parti, je sens la pression redescendre, et je suis capable d'esquisser mon plus beau sourire à mon caissier préféré.

« C'est rien, voyons. Je déteste les gens comme lui... », terminai-je, la voix qui craque. Pourquoi certaines personnes s'amusent à écraser ou à profiter de ceux qui sont plus faibles qu'eux? « Est-ce que tu t'es fais mal? », demandais-je, inquiète, en pointant certains des objets qui ont bougé et tombé pendant la scène.

Le jeune homme s'apprête tranquillement à s'occuper de mes petites courses. Sa lenteur ne me dérange pas; après tout il vient de vivre une situation difficile, et n'importe qui avec un cerveau moindrement fonctionnel peut constater qu'il est toujours un peu ébranlé par la situation. Pendant qu'il se prépare, je remarque, pour la première foi, son nom attaché sur son gilet. Kinzo... c'est joli! Étrange que je n'ai jamais remarqué auparavant. Avant de s'attaquer à mon premier article, Kinzo remarque la fleur qui trouve dans mes cheveux.

« Hehe... merci! Je savais qu'elle te plairait, je l'ai choisie exprès! » Je retire la tulipe doucement de mon chignon, et je lui tends en souriant. « Elle est pour toi! Tu peux l'accrocher à tes vêtements si tu n'as pas assez de cheveux. » Avec ma main libre, j'attrape mon porte-monnaie au fond de mon sac, pour être prête lorsque Kinzo aura terminé de scanner mes items.

Heureusement qu'il y avait des gens biens comme l'agent de sécurité pour me protéger des clients en colères. Je le remercierai bien évidemment chaleureusement le lendemain en lui apportant quelques biscuits. Ce n'était pas facile de veiller sur un "handicapé". Je me demandais bien qu'elle tête il ferai en apprenant que j'étais en réalité un enfant. En y réfléchissant, ça faisait longtemps que j'étais devenu un adulte. J'avais toujours l'apparence d'une dizaine d'années mais le temps ne s'était pas arrêté. J'avais appris pleins de choses d'adultes même si je restais enfantin au fond. On pouvait dire que j'avais une deuxième vie depuis que j'avais pris possession de ce corps. 5 ans depuis ce jour et donc est ce qu'on pouvait dire que j'avais cet âge là ? Ou bien une addition des deux ? J'étais pas doué en calcul mental pour savoir combien ça faisait. En tout les cas, ce monde acceptait les personnes compliqués comme moi, et j'avais même trouver un travail. Pas très facile je devais l'avouer, les vivants étaient pas très patients.

A ma plus grande joie, il restait des personnes en vie très gentille, comme la jeune femme qui m'avait défendu face au gros monsieur. Je lui était très reconnaissant mais elle aurait pu se retrouver blesser si l'agent de sécurité n'était pas intervenu. Elle s'inquiétait même pour moi, et je me mordais les lèvres, gêné par le bordel que j'avais répandu même sur le sol. Un brin gêné, je me grattais la nuque.

- Oh non, plus de peur que de mal !

La rassurais je avec un sourire. C'était ça, j'avais plus eu peur qu'autre chose au final. Vu que j'étais déjà mort, qu'est ce que je pouvais bien risquer dans l'affaire ? A moins qu'une faucheuse débarque dans le supermarché, tout allait bien aller pour ma santé. Un peu moins peut être pour Kinzo. Remarque vu qu'il était endormi, il ne sentirait rien du tout, j'allai surtout perdre mon hôte si il venait à mourir. Trouver un corps c'était pas évident. D'ailleurs, le mien n'avait même plus de chair. C'était juste des os. Je me demandais bien ce que ces voleurs avaient trouvé dans ma maison pour faire tant de bruits. A cause d'eux, j'avais été obligé de partir...

Enfin bref, j'avais trouvé un moyen d'être vu et entendu des vivants. De pouvoir jouer avec eux. C'était comme ça qu'on se faisait des amis, et peut être que la jeune femme en face de moi voudrait bien être mon amie. Elle avait en tout les cas une jolie fleur dans les cheveux, et je ne pouvais m'empêcher d'être légèrement jaloux. Je ne m'attendais donc pas à ce qu'elle ait fait exprès de choisir cette tupie orange pour moi. Mes yeux s'étaient mis à briller et un grand sourire venait éclairer mon visage.

- ooooooh merci

Je prenais la fleur comme si c'était un trésor fragile avant de la glisser dans la poche de ma chemise, où était accroché mon badge. Elle était vraiment jolie.

- Oh pardon...tes courses

Je m'excusais en voyant son porte monnaie entre ses mains. Je ne voulais pas m'en faire une ennemie en traînant trop. Je m'empressais donc de scanner ces achats.

- Alors ça fait un total de...

Je n'arrivais pas à lire le montant, il y avait trop de chiffres. J'avais jamais été à l'école moi. Il y avait aussi des mots que je ne savais pas écrire par exemple. Pour mon contrat, une assistante m'avait aidé à le comprendre.

- Soi..xante..de..trois...un...cinquante cinq wons ( 63 155 )

J'espérais ne pas m'être trompé. En tout les cas, si c'était pas correct, c'était marqué sur le petit écran.

- euuuh...c'est ma pause après vous...je peux vous payer un café, thé ou gâteau pour vous remercier ???

Elle était tellement gentille avec moi, que je ne pouvais pas la laisser repartir le ventre vide.

Je souris, soulagée, lorsque Kinzo note qu'il ne s'est pas fait mal. Il n'aurait pas fallu que le pauvre garçon soit blessé en plus d'être complètement terrorisé, il en avait déjà assez vécu comme ça aujourd'hui. Il faudra que je pense à l'aider à tout ramasser avant de partir, ça serait dommage de tout laisser comme ça et causer des blessures qui auraient pu être prévenues.

Pendant qu'il s'occupe de mes courses, j'en profite pour montrer au garçon la jolie fleur orange que j'avais choisie pour lui. Kinzo était content, je le voyais à sa mignonne mais enfantine expression dans son visage. Il la glisse dans la poche de sa chemise; comme si l'endroit avait été spécialement conçu pour cette fleur. Mais distrait par mon cadeau, il en oublie mes courses. Je ris tout doucement alors que Kinzo reprend son travail, espérant qu'il comprenne que je ne lui en voulais pas. Après tout, c'est moi qui l'ait distrait!

Portefeuille à la main, je regarde avec attention le chiffre affiché à l'écran au cas où un item n'aurait pas le bon prix. Tout me semble bon, et je sors ma carte bancaire pour payer la somme due. C'était plus pratique pour un tel montant, surtout pour le jeune Kinzo qui avait un peu de mal avec les chiffres. La transaction est approuvée, suivi d'un petit bip sonore, et je retire ma carte du terminal. « Tadam! », annonçai-je avec entrain.

Je lève les yeux vers le jeune caissier, surprise mais complètement attendrie par sa demande. Je ne l'avais pas défendu en espérant avoir quelque chose en retour, mais Kinzo tenait quand même à me remercier. C'est mignon, quand même. « Hmm.. pourquoi pas? Je ne suis pas pressée alors ça me ferait plaisir de passer le temps de ta pause avec toi! », dis-je légèrement. Je prends le sac qui contenait mes courses, l'agrippant de mes deux mains. « Je vais t'attendre juste là, d'accord? », ajoutai-je en pointant un banc pas trop loin de l'entrée de l'hypermarché.

La fleur était tellement belle que j'avais peur qu'elle ne se fane. J'étais nul en jardinage mais si la jolie jeune femme n'avait pas pris la racine, la tulipe n'allait pas survivre à son triste sort. Et puis autant dire que j'avais pas du tout la maîtrise sur les plantes. Je ne savais même pas si ça faisait partie des pouvoirs de Kinzo. Après je n'allai pas faire la tête, car c'était quand même un cadeau et j'aimais bien les cadeaux. Surtout quand ils étaient jolis comme cette fleur. La cliente et moi on ne se connaissait même pas, je me souvenais juste qu'elle venait souvent dans cet hypermarché. C'était difficile d'oublier un visage aussi jolie et gentil. J'ignorais son âge mais si elle avait des enfants, ils avaient de la chance d'avoir une maman aussi belle. Je ne me souvenais pas de la mienne mais je supposais qu'elle aussi, elle était gentille. Mon père, lui, devait surement être un héros mais il avait malheureusement pas résisté à une attaque de monstre. Quant à ma propre mort...je l'ignorais aussi mais je devais avoir trépassé en même temps que mes parents.

C'était un peu bizarre de se retrouver soudainement dans une ville aussi vaste et pleines de surprises. J'avais mis du temps à m'habituer à tout cette modernité mais en étudiant bien la façon dont les vivants agissaient j'avais réussi à me fondre dans la masse. Le code des humains n'avait aucun secret pour moi. J'avais même réussi à les tromper en me faisant passer pour un handicapé. Je n'allai ceci dit pas me plaindre, avec ce statut j'avais trouvé un job et quand je faisais une bêtise c'était jamais ma faute. Choses que les clients parfois n'arrivaient pas à saisir et je me prenais des coups de colères de leur part. En vrai c'était pas de ma faute si je ne savais pas compter beaucoup et si la lecture était difficile. Et encore, ils avaient pas vu mes fautes quand j'écrivais. J'étais même lent pour passer les articles, surtout lorsque je pouvais pas scanner comme il y avait cinq minutes avec le méchant monsieur. Les choses se passaient mieux quand je tombais sur une cliente compréhensive. Cette dernière avait attendu sans un mot que j'ai fini avant de payer avec sa carte.

Pour la remercier de m'avoir aidé je lui proposais d'aller au café d'à côté. C'était la moindre des choses, en plus du cadeau floral qu'elle m'avait donné. Comme c'était en plus l'heure de ma pause. Un grand sourire venait étirer mes lèvres en entendant sa réponse. Mais avant je devais ranger mon bazar.

- D'accord ! J'arrive dans cinq minutes ! Tu pars pas hein ?

Demandais je avant qu'elle ne s'éloigne vers le banc en question. De mon côté, je fermais mon poste de travail, éteignais la lumière comme quoi c'était une caisse ouverte. Il n'y avait plus qu'à ranger la gondole. J'avais vraiment perdu le contrôle. Je ramassais les produits pour les remettre à leur place. Lorsque je consultais ma montre digitale - les aiguilles c'étaient trop dure - je voyais que j'avais mis plus de cinq minutes. Un coup d'oeil au banc me montrait que la demoiselle était toujours là. Je lui faisais un signe de la main et remettait les derniers articles avant de enfin rejoindre mon héroïne.

- Ca y'est j'ai tous rangé ! Tu t'appelle comment au fait ? Moi c'est Kinzo !

Elle devait surement l'avoir lu sur mon badge mais c'était adulte de se présenter vraiment. Et puis je voulais savoir son nom pour être son amie. Je ne me voyais pas l'appeler noona comme dans les dramas.